BEAUTÉ DES PAYS CÔTIERS DE NORMANDIE du Mont-Saint-Michel au Tréport

Beau livre de photographies originales, tout en couleurs, avec de passionnants articles historiques, qui racontent la Normandie des origines à nos jours, de beaux textes littéraires (Alphonse Allais, Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire, Louis Beuve, Francine Caron, Jules César, F.-R. de Chateaubriand, Alexandre Dumas, Gustave Flaubert, Théophile Gautier, André Gide, Victor Hugo, Francis Jammes, Alphonse de Lamartine, Maurice Leblanc, Fernand Lechanteur, François de Malherbe, Guy de Maupassant, Jules Michelet, Octave Mirbeau, Claude Monet, Michel de Montaigne, Jacques Prévert, Marcel Proust, Sainte Thérèse de Lisieux, Madame de Sévigné, Stendhal, Alexis de Tocqueville, Eugène Viollet-le-Duc), 

 

avec les contes et légendes 

du château de Pirou,

de la Dame de Tonneville,

des Demoiselles d’Étretat,

des Gobelins,

du Mont-Saint-Michel,

du songe de Rollon,

et du Varou,

mis en forme par Marjolaine Morin,

 

illustrations de Fredde,

 

avec des lithographies de Félix Benoist, Hippolyte Lalaisse, et des peintures d’Hippolyte Bélangé, Eugène Boudin, Théodore Géricault, Édouard Hostein, Emmanuel Lansyer, Stanislas Lépine, Jean-François Millet, Claude Monet

 

Graphismes,

Photographies, 

Textes inédits de Thierry Orfila

 

2016, relié cousu, imprimé en France sur papier couché (c’est-à-dire glacé) 150 gr, prix TTC 41,9 €, largeur 21 cm, longueur 29,7 cm, 308 pages.

41,90 €

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Préface

 

Prendre la Normandie par ses rivages, c’est bénéficier d’une extraordinaire succession de magnifiques paysages, allant du rocher fervent du Mont-Saint-Michel jusqu’aux hautes blancheurs fascinantes d’Étretat et de la côte d’albâtre, en passant par les marécages et les longues plages du Cotentin, avec ses promontoires archaïques, ses caps tempestueux et ses cimetières marins, par les vertes contrées du Bessin et du pays d’Auge, à la Nature généreuse, par la grande ville de Caen, par l’estuaire de la Seine, avec ses grands ponts et ses ports ouverts sur l’aventure transatlantique, notamment Le Havre ; c’est aussi reproduire le mouvement historique des envahisseurs, qu’ils soient Vikings ou Anglais, qui se sont projetés sur ces côtes durant plusieurs siècles, et, réciproquement, voir s’éloigner ces rivages comme les conquérants Romains ou Normands ou comme les grands voyageurs que furent Paulmier de Gonnevile, Nicolas Durand de Villegagnon, Jean Denis et Samuel de Champlain au départ de leurs expéditions vers l’Amérique ; c’est enfin revivre le mouvement libérateur de juin 1944, qui fut en même temps une tragédie sans pareille pour la Normandie. 

Elle se trouva en effet au cœur des plus grands conflits mondiaux, du fait de la translatio imperii, qui s’était déplacée dans la Manche entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe siècle. Prise entre les deux grands empires qui se partageaient le monde, elle fut exceptionnellement mise en valeur, en bien et en mal. Lorsque l’Amérique supplanta l’Angleterre et la France, la région fut placée sur l’autel des Temps passés. Elle devint sacrificielle. Terre martyre, elle vit s’écrouler tout un monde avec ses villes, dont la plus touchée fut la plus exposée à ces échanges de pouvoir, Le Havre. Il fallut ensuite tout reconstruire, ou presque.

C’est donc une région de marins, qui s’est d’abord construite par l’eau. Elle en garde même dans l’intérieur des terres ce caractère humide, qui fait l’abondance de sa végétation. Terres de prés salés dans l’Avranchin, terres grasses dans le Bessin et le pays d’Auge, ce mélange d’air marin et de terre féconde fait la richesse de la région. Elle a su tirer parti de ses dons par une agriculture qui s’est de plus en plus tournée vers les élevages qui ont fait sa réputation, bovins ou équins. Aux temps de l’économie agricole, la région était une des plus riches du royaume. Le cheval, particulièrement, est devenu un symbole normand, animal justement hybride, à la fois terrestre et marin, dont le galop est associé dans l’imaginaire collectif au déferlement des vagues. Les chevaux de Neptune, aussi irréalistes soient-ils, révèlent cette analogie du cheval avec l’écume, peut-être par leur jeu commun avec le vent.

Vers l’ouest, l’esprit armoricain plane encore sur le Cotentin, avec son goût pour l’infini. Il n’est pas innocent que le Mont-Saint-Michel soit né sur la frontière de la Bretagne, dont il exprime la mystique solaire, à la manière des pyramides. Puis l’on découvre tous ces cimetières marins, sur des promontoires splendides, à Querqueville, à La Pernelle, à Varengeville, parmi d’autres, témoins du souci permanent d’un envol vers l’au-delà. La terre-mère est tellement généreuse qu’elle encourage la gourmandise. Une gastronomie fondée sur les laitages s’est raffinée au cours des siècles. La crème et le beurre enrichissent les mets qu’ailleurs on cuisine secs. Le palais découvre ici des plaisirs plus tendres, plus onctueux et plus moelleux. Les pommes ajoutent leurs sucres et même l’alcool local offre un aspect plus fruité et plus doux.

La Nature devient un jardin dans le pays d’Auge. Elle se laisse aménager, elle devient décor et ornement. Elle se fait fleur et fruit plutôt que racines et ronces et découpe ses délicates teintes rosacées sur des ciels d’azur comme des estampes. Les maisons prolongent cette impression par leurs coquetteries rustiques. Elles pourraient bien sortir d’un conte de fées et n’être que de pain d’épices, de chocolat et de fruits confits, tellement elles savent s’apprêter avec une rassurante douceur. 

Puis les côtes du pays de Caux cultivent la blancheur extatique. Il y a là un mystère pour l’esprit humain, troublé par cette matière dure et fragile, pure et hostile, qui peut s’élever si haut et s’écrouler si vite, en construisant entre temps des arches, des dents, des têtes étranges, une aiguille creuse où cacher un trésor, comme l’imagina le bien nommé Maurice Leblanc. L’affrontement de l’immensité marine et de ces falaises blanches, sous de grands ciels tourmentés et toujours renouvelés, est un des plus beaux spectacles qui se puisse voir. L’humain en ressort ébloui et ramené à de plus justes proportions.

Tout cela fascina les peintres, au premier rang desquels Claude Monet comprit que quelque chose d’essentiel se jouait dans ces impressions. Les jeux de la lumière sur l’eau et sur les falaises nous disent l’éphémère et l’éternel retour. Les couleurs nous enseignent comment le Grand Tout est constitué de tout petits points. Tout se rejoint, tout se transforme, rien ne se perd dans la toute puissance de la Nature. L’Art le donne à voir, mais il existe des terres d’élection où il se trouve plus inspiré qu’ailleurs. Telle est la Normandie.

 

Thierry Orfila, 2015.